NOIRCIR L’ESPACE VIERGE ; OCCUPER SON ESPACE DISPONIBLE
Chaque commerçant a une enseigne, ou plutôt devrait en avoir une. Celle-ci reflète, sa clientèle, le quartier ou encore la rue dans laquelle ils/elles se trouvent. Leur point en commun est que chacun souhaite occuper l’espace qu’il détient du mieux possible, en général cela passe par l’occupation quasi totale du format donné de la devanture. Dans certains cas, il va même plus loin et décide d’investir sa vitrine pour accroître son espace de promotion, soit avec les moyens qu’il détient, c’est à dire une imprimante, du papier et un ordinateur soit auprès d’une entreprise spécialisée, donc avec de l’adhésif imprimé ou découpé. Les résultats donnés par la solution la moins coûteuse sont aussi variés qu’inattendus, le format A4 étant pour ces commerçants un moyen d’afficher rapidement et facilement.
Dans la plupart des cas, le format A4 donne des informations additionnelles comme les horaires, les promotions en cours, les prix etc… Il s’agit ici d’informations temporaires, cette tâche qui était autrefois confiée chaque jour/semaine à des peintres en lettres, Commercial artist, est aujourd’hui ancrée dans le DIY avec plus ou moins d’appétence et de sensibilité pour le design graphique. Pour exemple le plus probant on peut tous se rappeler les lettrages compressés des alimentations générales, grossistes et bric-à-brac qu’on peut trouver dans la plupart des centres-ville. Ces espaces remplis de manière optimale par les propriétaires font partie de l’infra-ordinaire, ils visent à être vus sans faire preuve d’une quelconque coquetterie, la forme est modifiée / distordue dans un souci économique et de format au détriment de l’homothétie des caractères. Ces espaces de conception peuvent évoquer le travail de Lawrence Weiner, qui décrit à l’aide d’un langage neutre des sculptures possibles dans un espace donné (IAC Villeurbanne). Cette démarche fait écho à l’univers de George Perec qui s’intéresse aux lieux et aux souvenirs qu’ils génèrent, à travers son livre Espèces d’espaces, Perec décrit son environnement à travers des mises en pages presque semblables à des calligrammes et montre la poésie de ses déambulations dans la ville .
Comme à peu près le monde entier, j’utilise le format A4 quotidiennement, il est confortable et toujours à portée de main. Qu’il faille écrire, mettre en page ou dessiner, il est le format idéal, il fait approximativement la taille de mes deux mains alignées. Il n’est pas non plus indispensable, je peux toujours l’écraser puis recommencer. L’A4 a plusieurs visages : il peut être ennuyeux voire embarrassant, se montre sous forme de factures, de fiches de paie, de lettres de recouvrement ou encore d’annonces de chat perdu. Il peut tout de même afficher un visage plus jovial à travers les avions en papier, origamis etc… En somme, chacun occupe son espace comme il le souhaite.
Qu’en est-il si l’on décide de choisir ce format fixe comme matrice de conception de lettres et de lettrages au profit d’une mise en page variable ?